En Thaïlande, les jeunes filles ouvrent la voie de l'égalité numérique dans le secteur des TIC
Supakarn Jantawang, 16 ans, a un projet.
Elle veut travailler avec le conseil des élèves de sa classe, dans un lycée de Thaïlande, pour réduire les déchets scolaires. Tous participeront à cet effort : fournisseurs alimentaires, élèves, enseignants et parents. Supakarn plaidera en faveur de la mise en place du "zéro déchet" dans son lycée grâce à l’adoption de plusieurs mesures, dont le recyclage du plastique, la réalisation d’achats alimentaires intelligents, le recours à des méthodes de stockage écologiques et l’usage de masques réutilisables.
La question qui se pose maintenant pour Supakarn est la suivante : comment la technologie peut-elle l’aider à réaliser son désir de changer les choses ?
En Thaïlande, comme dans le reste du monde, avoir des compétences dans le domaine des technologies de l'information et de la communication (TIC) est devenu important dans presque toutes les sphères de la vie, notamment lorsqu’on veut mener des campagnes pour la protection de l’environnemental, comme c’est le cas de Supakarn. Aujourd'hui, à l’heure de la pandémie, les gens ont besoin d’outils technologiques pour communiquer, s’informer sur les questions de santé, continuer à étudier, ou encore trouver un emploi.
Pourtant, l'accès à l'éducation, à la formation et aux autres possibilités offertes par les TIC est encore limité, en particulier pour les femmes et les filles.
En mai dernier, Supakarn a participé à une formation dans le cadre de la célébration des "Jeunes filles dans le secteur des TIC" 2021. Le programme international consacré aux "Jeunes filles dans le secteur des TIC" permet de sensibiliser les populations à la question de la fracture numérique entre les sexes, d’appuyer des programmes d'éducation et de formation à la technologie et d’encourager les filles et les jeunes femmes à faire carrière dans le domaine des STIM (sciences, technologies, ingénierie et mathématiques).
Désormais, Supakarn est mieux équipée pour mener à bien son projet. Elle n'est pas la seule à être mieux connectée aujourd’hui. Dans toute la Thaïlande, les filles et les jeunes femmes sont plus conscientes qu’avant de l'importance des TIC et sont mieux informées sur les programmes d'enseignement des STIM. Les responsables politiques et les personnels enseignants thaïlandais s'intéressent eux aussi à cette question.
Réduire la fracture numérique en Thaïlande
La pandémie de COVID-19 a mis en évidence la fracture numérique de manière flagrante. Elle a non seulement révélé des disparités en termes de connexion à Internet et d'accès aux équipements numériques, mais elle a montré également que si les "nantis" peuvent tirer pleinement parti des outils technologiques pour assurer leur subsistance et avoir une bonne qualité de vie, les personnes "démunies", elles, sont laissées pour compte dans ce domaine.
Au cours des deux prochaines décennies, l'automatisation va transformer la structure des emplois et des entreprises en Thaïlande. Dans ce pays, selon l'Organisation internationale du Travail (OIT), jusqu'à 17 millions de postes de travail - près de la moitié du total des emplois dans le pays - risquent d'être automatisés. Or, les femmes occupent principalement des emplois qui nécessitent peu de compétences dans le domaine des STIM et sont donc 50 % plus susceptibles que les hommes de perdre leur emploi à cause de l'automatisation.
La Thaïlande se distingue d’autres pays par le fait que les filles et les jeunes femmes y ont tendance à avoir de meilleurs résultats que les garçons et les jeunes hommes dans le cadre de leurs études. Par ailleurs, les taux d'accès aux équipements numériques et à Internet sont presque les mêmes entre les sexes. Qui plus est, les taux de connectivité sont élevés et la plupart des gens se connectent à Internet via des appareils mobiles. Près de 95 % des écoles ont accès à Internet et les écoles disposent en moyenne d'un ordinateur pour 17 élèves.
Ces réalisations ne se traduisent toutefois pas par une participation ou par une représentation égales entre femmes et hommes dans les sphères politique, économique et sociale. L'écart salarial entre les hommes et les femmes s'est récemment réduit, mais il reste encore légèrement supérieur à 10 %, selon les données récentes de l'OIT.
Actuellement, en Thaïlande, 97 % des jeunes âgés de 16 à 19 ans utilisent Internet pour se connecter aux réseaux sociaux, mais seulement 17 % le font pour accéder à des cours en ligne, selon l'étude "Mapping the Digital Divide in the School : Education of Thailand" (en français : "Éducation en Thaïlande : cartographie de la fracture numérique scolaire"). De telles données sont essentielles à connaître pour élaborer des politiques fondées sur des preuves. Il n'est pas surprenant de voir que les utilisateurs/trices qui ont des compétences numériques limitées sont plus exposé(e)s au risque de violence et de harcèlement – notamment parmi les femmes et les filles. Selon ONU-Femmes, les écoliers qui passent plus de temps en ligne peuvent également être exposés à des risques, notamment à des risques d'exploitation sexuelle en ligne.
Des opportunités à saisir pour construire un avenir meilleur
Malgré tous les défis qui se posent, il y a une volonté commune de plus en plus forte d’atteindre l'égalité entre les sexes : ce qui profite aux filles et aux femmes profite à tous. L'expansion du secteur des TIC offre davantage d’horizons aux filles et aux jeunes femmes qualifiées, qui restent sous-représentées au niveau des programmes d'enseignement et des carrières dans le domaine des TIC et des STIM.
Les nouvelles technologies peuvent permettre de combler l’écart observé au niveau de l’accès au monde du travail en réduisant les obstacles à l'entrée de l’entreprise. En Thaïlande, les participantes au programme "Jeunes filles dans le secteur des TIC" se sont penchées sur les questions relatives à la cybersécurité, à l'agriculture intelligente et à l'intelligence artificielle. Les secteurs auxquels elles s’intéressent le plus sont le commerce en ligne, le marketing numérique, l'hôtellerie, la cybersécurité et les objectifs de développement durable (ODD).
Dans le même temps, les restrictions qui ont été mises en place pour faire barrage à la COVID dans le monde ont mis en évidence, dans certains pays, une répartition inégale des tâches non rémunérées telles que celles liées à la garde des enfants. Elles ont parallèlement offert aux femmes, dans de nombreux pays, la possibilité d’avoir des horaires flexibles et de travailler depuis chez elles, un aspect de la vie professionnelle qui fait partie des revendications portées par les femmes depuis des décennies.
La pandémie a généré des bouleversements sociaux et économiques qui pèsent lourdement sur le bien-être et les moyens de subsistance des populations, mais si nous tirons les leçons de ces bouleversements, nous pourrions bien parvenir à réaliser un développement plus équitable, plus durable et plus inclusif.
Et, dans ce domaine, ce sont des filles comme Supakarn qui ouvriront la voie.
Gita Sabharwal est la Coordonnatrice résidente des Nations Unies en Thaïlande. Atsuko Okuda est la Directrice régionale de l'Union internationale des télécommunications (UIT) pour la région Asie Pacifique.
Le programme "Jeunes filles dans le secteur des TIC" est piloté par l'Union internationale des télécommunications (UIT), qui travaille en partenariat avec différentes entités de l’ONU. En Thaïlande, cette initiative est coorganisée par le ministère de l'économie et de la société numériques, la Commission nationale de la radiodiffusion et des télécommunications, en partenariat avec des entreprises du secteur privé.
Pour en savoir plus sur le système redynamisé des coordonnatrices et coordonnateurs résidents des Nations Unies, veuillez consulter la section dédiée du dernier Rapport de la Présidente du Groupe des Nations Unies pour le développement durable sur le BCAD.